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Secrets de fabrication de mangas, n°1 : les outils indispensables

Avide d’apprendre les techniques des auteurs japonais, j’ai rapidement découvert qu’un matériel spécifique était utilisé par la majorité de mes artistes favoris. Bien sûr, il est toujours possible de réaliser de superbes planches au stylo bille sur du papier imprimante, mais j’ai assez tôt trouvé très stimulant de manipuler les mêmes outils que les mangakas qui travaillent de manière traditionnelle.

Concernant le papier, le format s’avère particulier certes, mais rien de trop déroutant. Plumes et encre, bon, ces outils apparaissent classiques même si leur maniement est loin d’être aisé pour ceux qui n’ont pas appris à faire des pleins et des déliés sur les bancs de l’école. Mais la technique de mangaka la plus surprenante qui m’ait été révélée est… l’utilisation de trames ! Késako les trames ? À quoi ça ressemble, à quoi ça sert ? Vous saurez tout à la fin de cet article.

  • Papier réglé japonais, format B4

Tout d’abord le papier. En France, les formats les plus courants sont A4, A3, etc, mais il existe également la série B, moins connue… Quant au format raisin et ses déclinaisons, il s’agit d’un format typiquement français, alors que  les séries A et B correspondent à des normes internationales. 

Si le format couramment utilisé par les mangaka pour dessiner des planches est le format B4, après des arrachages de cheveux, j’ai réalisé qu’il s’agissait en fait d’un JB, un B spécifique au Japon, légèrement différent du B international.  Quoi qu’il en soit, cela consiste en une taille comprise entre le A4 et le A3, avec un rapport différent. 

Plus encore que le format, la particularité du papier pour auteurs de manga est de présenter différentes règles et repères en bleu inactinique (bleu pâle n’apparaissant pas à l’impression). Ces marques s’avèrent autant de précieuses indications à la fois pour prendre correctement en compte les fonds perdus et aussi pour tracer plus facilement les cases. 

  • Crayon papier

D’aucuns vous diront préférer le crayon bleu, qui présente les mêmes caractéristiques que les marges du papier. Avec le crayon bleu, les traits disparaissent sans gommage, à la photocopieuse et au scanner. Un excellent article vous révèle tous les secrets du bleu inactinique et la manière de le rendre invisible en le scannant. Cependant, probablement par habitude, je préfère le simple crayon de papier. Il me sert depuis les premiers croquis préparatoires jusqu’à la planche finale.  

  • Plumes et encre

J’utilise des plumes de la marque Deleter et Tachikawa, les maru-pen et les G-pen principalement.  

Si vous en avez déjà utilisé, vous avez certainement remarqué que le dessin à la plume n’est pas très “intuitif”… On se rend vite compte par exemple qu’on ne peut pas “remonter” un trait avec une plume, il faut penser à tourner son papier pour être toujours dans le sens du dessin. Aussi, attention aux bavures et accidents de toutes sortes. 

Malgré ces difficultés, le jeu en vaut cependant la chandelle car les variations d’épaisseur du trait obtenues à la plume confèrent au dessin un rendu inégalable.

  • Gommes de différentes qualités

Le dessin au crayon de papier implique le gommage des premiers traits après l’encrage. Pour cet usage, une gomme assez douce est nécessaire, afin d’une part de ne pas abimer le papier et d’autre part ne pas effacer l’encre noire.  

Quant au travail des trames, des gommes beaucoup plus dures se révèlent utiles. Les gommes sable notamment font très bien l’affaire.

  • Trames

Les trames, c’est ce qui fait toute la différence entre la BD et le manga ! 

Il en existe de toutes sortes, de la trame simple qui produit les nuances de gris, aux fleurs de sakura en passant par des motifs abstraits. On trouve même des décors complets, tels des salles de classes ou des paysages urbains. 

Ces trames sont donc tout d’abord utilisées pour créer les niveaux de valeurs, c’est à dire tous les différents niveaux de gris qui apparaissent sur une planche. À la plume, le mangaka n’a que le noir et le blanc comme options. Certes, les hachures permettent d’obtenir un rendu de gris, mais demandent du temps à réaliser. Les trames ont ainsi été notamment conçues à l’origine afin de gagner du temps et permettre à l’auteur dont la série est au sommaire d’un magazine de prépublication de suivre le rythme et produire les vingt planches requises par semaine.  

Ensuite, au fur et à mesure, des trames très variées sont apparues, représentant des textures, des motifs,  des objets, etc. Ainsi des cercles, des scintillements, des ombres, des fleurs, sont autant d’éléments dans la palette du mangaka qui peuvent lui permettre, par exemple, de créer des atmosphères, véhiculer des émotions.

Voici pour les raisons de l’apparition et de l’utilisation des trames. Mais concrètement, comment se présentent elles ? En fait, elles ressemblent un peu à ces décalcomanies qu’on avait en cadeau dans les chewing-gums de notre enfance, ceux qui faisaient des bulles. Ce sont des feuilles transparentes et autocollantes que l’on découpe à son gré et que l’on applique sur son dessin pour l’habiller ou le compléter. Les trames unies ou dégradées sont composées de tout petits point noirs alignés, dont l’épaisseur et la densité varient. Elles peuvent être superposées ou gommées ou grattées, ceci afin de produire différents effets tels des reflets.

Si le mode d’emploi n’est pas compliqué, l’application requièrt beaucoup de minutie et de soin. Pour la découpe, un cutter ou scalpel font aussi bien l’affaire. Je me satisfais d’un cutter très basique.  C’est lors de la manipulation des trames qu’il est important de veiller à ce que l’espace de travail soit propre et exempt de poussières (et poils de chats, par exemple).

  • Le lisseur 

Chez Deleter, il s’appelle le Tone Hera, c’est en fait une sorte de spatule qu’on passe en appuyant sur la planche, une fois les trames posées définitivement pour permettre leur adhésion. 

Ce n’est pas indispensable, à vrai dire, l’utilisation du dos d’une cuillère produit le même résultat, mais cet accessoire fait quand même plus classe.  

  • En plus, petit carnet à nemu 

Pour terminer de se la jouer définitivement comme un vrai mangaka, on peut aussi faire l’acquisition d’un petit carnet dont les feuillets sont remplis de mini-pages réglées comme le papier pour dessiner ses planches. Il permet de faire son story-board, ou nemu en japonais, et d’avoir une vision globale de son histoire. 

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